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Cesser définitivement l’envoi de femelles gestantes à l’abattoir

10 Juin 2022 | Communiqué web, Agriculture et industrie, Politique et droits des animaux

Approchée par la Coalition animaliste (COA), la Conseillère nationale Verte Valentine Python a déposé hier une interpellation au Parlement suisse. Elle invite le Conseil fédéral à prendre des mesures pour empêcher définitivement l’envoi de femelles gestantes à l’abattoir. Car si la situation s’est améliorée depuis 2017 pour les vaches dans notre pays, le problème est loin d’être réglé. On peut en effet estimer que près de 4’000 vaches et un nombre inconnu de femelles d’autres espèces sont toujours envoyées gravides à l’abattoir chaque année, en état de gestation avancé. De son côté, Swissmilk masque cette réalité.

 

Une loi suisse permissive

Tant la Confédération que la filière suisse de la viande reconnaissent que le transport et l’abattage de femelles gestantes posent problème d’un point de vue éthique et de la protection des animaux. Pourtant, l’ordonnance sur la protection des animaux autorise le transport à l’abattoir de femelles gravides, quelle que soit la durée de gestation. Leur abattage n’est ni interdit, ni réglementé par la loi. D’autres pays ont commencé à légiférer.

Des constats alarmants en 2014 et l’absence de statistiques fédérales

L’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) avait réalisé un décompte et une analyse sur deux semaines à l’abattoir d’Oensingen en 2012, pour les vaches uniquement. Les constats de l’analyse publiée en 2014 sont choquants :

  • La pratique n’est pas rare
  • 5,67% des vaches gestantes abattues avaient atteint leur 5e mois de gestation.
  • Près de 70% des propriétaires d’animaux interrogés par l’OSAV ignoraient l’état de gestation de leur vache. Parmi eux, 71% n’avaient pas fait réaliser de contrôle de gestation.

Nota bene : aucune estimation du nombre de vaches concernées à l’échelle de la Suisse n’a été publiée suite au décompte de l’OSAV. La Suisse ne comptabilisant pas le nombre de bovins abattus selon le sexe, la COA a dû procéder elle-même à une estimation, sur la base de données fournies par Proviande. Elle a pu extrapoler qu’environ 20’000 vaches âgées d’un an et plus étaient gestantes depuis au moins 5 mois au moment de leur abattage en Suisse en 2012. Ce chiffre est considérable. Suite à son analyse, l’OSAV avait estimé que des diagnostics contraignants devaient être établis au plus tôt à partir de la 6ème semaine de gestation chez les bovins.

Fœtus jeté dans une benne à viscères à l’abattoir de Limoges en France, enquête de L214 de novembre 2016. Voir aussi l’enquête de l’abattoir de Bigard de la même association en octobre 2021. Aucune image n’est disponible en Suisse.

La réaction de Proviande

En l’absence de directives fédérales, c’est Proviande qui s’est emparé de cette question en 2016, soit 4 ans après le décompte d’Oensingen. La société a créé un groupe de travail réunissant 11 acteurs, dont l’OSAV, 8 représentants de la filière viande et un seul défenseur des droits des animaux (PSA). Sa recommandation, entrée en vigueur en 2017, est valable pour les bovins uniquement. Elle oblige notamment les propriétaires d’animaux à déclarer le statut de gestation (oui/non) de leurs vaches sur le document d’accompagnement lorsqu’il y a déplacement de l’animal, par exemple vers l’abattoir. C’est valable pour les génisses à partir de 15 mois et pour les vaches à partir de 5 mois après la dernière mise bas. Vétérinaires et abattoirs ont également un rôle à jouer. Proviande explique sa démarche sur son site Internet.

Un problème non réglé, la communication trompeuse de Swissmilk et la question du sérum foetal

Le problème de l’envoi des femelles gestantes à l’abattoir a été constaté il y a 10 ans par les autorités. La COA reconnait que la filière a fait des efforts. Elle estime toutefois que la recommandation mise en place par la filière est insuffisante, notamment au vu du nombre d’animaux encore concernés. Selon la communication de Proviande, le problème ne concernerait plus qu’1,1% de vaches contrôlées. Pour la COA, ce pourcentage pourrait représenter près de 4’000 vaches à l’échelle suisse chaque année, ce qui reste considérable. Elle déplore que Swissmilk, la branche marketing des producteurs suisses de laits (PSL), affirme de son côté sur son site Internet « Pas d’abattage de vaches en gestation ».  Une telle affirmation laisse croire à la population que la pratique n’existe plus en Suisse.  Alors que la solution mise en place par Proviande suscite encore bien des interrogations, la COA s’inquiète du fait qu’aucune règlementation n’ait été proposée en 10 ans pour les autres espèces d’animaux de rente. Elle souhaiterait également savoir si l’on peut prélever du sérum foetal bovin en Suisse dans les abattoirs et dans quel but.

Consciente que la fin de l’exploitation animale ne peut avenir du jour au lendemain, la COA souhaite en attendant des améliorations rapides pour les animaux de rente ces prochaines années, notamment pour les femelles exploitées pour leur viande et leur lait.

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