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Interpellé sur le spécisme, le gouvernement genevois a préféré éluder le problème et affirmer sa volonté de ne rien changer

15 Avr 2021 | Communiqué web, Politique et droits des animaux

Le Conseil d’Etat genevois a répondu de manière surprenante et inquiétante, le 24 mars dernier, à la question urgente que lui a soumise en début de mois la députée verte du Grand Conseil Sophie Desbiolles (cf. QUE-1491-A). Il a invité le parlement à faire une distinction incompréhensible et infondée entre spécisme et maltraitance animale. Il a également justifié l’exploitation animale au nom d’intérêts économiques et évité de traiter de sujets majeurs évoqués dans la question urgente, notamment ceux relatifs à la santé publique.

 

Dans sa réponse expéditive, le gouvernement a reconnu implicitement l’existence du spécisme. Mais il a demandé qu’aucun rapprochement ne soit fait entre spécisme et maltraitance animale. En d’autres termes, l’exécutif genevois est d’avis que le fait de considérer les autres animaux comme des êtres inférieurs pouvant être exploités, commercialisés et tués pour la consommation et les intérêts humains n’est pas une source de maltraitance pour ces derniers. Qui plus est, il a affirmé qu’actuellement les droits fondamentaux des animaux sont « reconnus », alors que les mouvements animalistes ne les ont jamais autant réclamés qu’aujourd’hui.

Il est particulièrement surprenant d’entendre ce type de raisonnement de la part de très haut-e-s représentant-e-s des institutions du canton. L’exploitation animale donne lieu à de nombreuses formes de maltraitance, qu’elles soient ou non légalement ou socialement reconnues. Par ailleurs, toutes les maltraitances ne sont pas visibles et donc pas systématiquement dénoncées. Bon nombre d’entre elles ne peuvent en outre être rendues publiques qu’à travers l’utilisation de caméras cachées dans des lieux parfois difficilement pénétrables, démarche aujourd’hui réprimée.

Il est tout aussi surprenant de constater que des pratiques spécistes tolérées en 2021 telles que l’élevage intensif, l’enfermement, l’engraissement, la fécondation forcée à répétition, la séparation des femelles et de leur progéniture pour les besoins de l’industrie laitière, les transports d’animaux à l’abattoir, les mutilations pratiquées sur les animaux, la mise à mort d’animaux à la naissance, en bas âge ou avant la mort naturelle, les pratiques de mise à mort dans les abattoirs, dans les fermes ou les caisses à gaz, les dérives liées aux trafics d’animaux, les contraintes subies lors de l’expérimentation animale, etc. ne soient pas considérées par la majorité gouvernementale comme des formes de maltraitance pour les animaux.

Par ailleurs, la question urgente de Sophie Desbiolles présentait une liste de problèmes graves d’actualité fondamentalement liés au spécisme que le Conseil d’Etat n’a pas pris la peine d’aborder ni de traiter.  En font partie l’accélération de l’émergence des zoonoses hautement mortelles, à l’instar du COVID-19, les maladies chroniques non transmissibles liées à la surconsommation de produits d’origine animale, la pollution des sols et de l’eau, ou encore le réchauffement climatique. Or, tous ces problèmes sont majoritairement imputables à l’exploitation ou à la destruction massives d’animaux, ainsi qu’à la destruction de leur habitat.  En fermant les yeux sur ces questions dans le contexte actuel, exigeant de revoir urgemment notre rapport aux autres animaux, il a fait preuve d’un manque de considération inquiétant envers la population et les futures générations. La COA estime que ce type d’attitude n’a pas permis la mise en place de politiques d’anticipation et de gestion adaptées ces dernières années. Un déficit qui se reflète dans les propos même du Conseil d’Etat qui se dit conscient de la «nouvelle sensibilité» de la population concernant la place des animaux dans la société. Ces propos révèlent une vision déjà dépassée et en décalage avec le besoin d’évoluer rapidement vers une société plus saine et plus respectueuse du monde animal dans son ensemble.

Finalement, la COA prend note que le Conseil d’Etat à majorité spéciste ne souhaite actuellement pas changer les choses et le déplore. Elle est surprise de l’entendre affirmer que son rôle se limite à assurer le «bien-être» des animaux dans le cadre législatif actuel, alors qu’il devrait consister avant tout à faire évoluer les lois et les pratiques institutionnelles et sociales dans ce domaine.

Lien vers le texte de la question urgente et la réponse du Conseil d’Etat genevois