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Non, le «lait suisse» n’est pas écologique!

12 Fév 2022 | Communiqué web, Agriculture et industrie

La dernière campagne publicitaire de Swissmilk pour pousser à la consommation de lait de vache et ses produits dérivés met en scène Lovely en vache écologique qui agit en faveur de la biodiversité et du climat. Cette nouvelle «histoire d’amour» inventée dans le pré, qui a déjà fait bondir Pro Natura, n’a pas pu vous échapper en fin d’année dernière. La jugeant également mensongère et trompeuse, la Coalition animaliste (COA) a porté plainte cette année auprès de la Commission suisse pour la Loyauté.

La mise en scène écologique de Lovely

A coup d’affiches publicitaires et de pages web au ton scientifique et pédagogique, Swissmilk, la branche marketing des producteurs suisses de lait (PSL), nous a abreuvés récemment d’un nouveau message publicitaire: les vaches suisses favoriseraient la biodiversité et renforceraient les sols suisses. Qui plus est, elles contribueraient au développement d’une agriculture respectueuse du climat. Comment? Grâce à la photosynthèse, aux plantes des prairies qui fixent le CO2 et rejettent du carbone dans le sol, aux vaches qui, en broutant, stimulent la croissance végétale et entretiennent le paysage suisse. Etc. etc.

Ce «miracle écologique» serait donc possible grâce à l’élevage laitier, et bien sûr au lait de vache que nous buvons, aux fromages, yogourts et autres produits crémeux à base de lait dont nous nous délectons!

La fausse excuse de l’entretien des pâturages et le mensonge de la biodiversité

«Les vaches suisses entretiennent nos pâturages». Voilà un argument de longue date brandit maintes fois par la filière viande et lait pour justifier avec fermeté et fierté la pratique de l’élevage. Combien de fois n’avons-nous en effet pas entendu que les vaches sont «indispensables au maintien du paysage suisse»?

Seulement voilà, pour brouter dans les prairies et s’alimenter, les vaches n’ont absolument pas besoin d’être exploitées pour leur chair et leur lait…! Et nous n’avons pas besoin d’autant de bovins et de pâturages pour embellir notre paysage.

Comme le relève en outre Pro Natura, la production de viande et de lait contribue significativement à l’appauvrissement de la biodiversité. Car la plupart des surfaces affectées à l’économie laitière (production de fourrage ou pâturages) sont très pauvres en espèces. L’utilisation de sols pour pratiquer l’élevage dans notre pays s’est faite au détriment des forêts, et donc de la biodiversité.

Quant aux dommages causés par l’élevage actuel à nos sols, nos lacs et nos cours d’eaux, ils ont été largement mis en évidence par le WWF Suisse, Greenpeace, Pro Natura, BirdLife Suisse, et bien d’autres encore. Les récentes initiatives pour une eau potable propre et pour une Suisse libre des pesticides de synthèse ont toutes deux pointé du doigts les problèmes conséquents liés à la place surdimensionnée qu’occupe l’élevage dans notre pays. Parce que ces initiatives étaient légitimes et remettaient en question notre modèle agricole, elles ont été fortement combattues par le puissant lobby de l’agrobusiness suisse.

L’élevage suisse n’est pas écologique

La réalité de l’élevage en Suisse et dans le monde, ce que Swissmilk ne nous dit pas
En captant notre attention avec une belle histoire de «cycle naturel», Swissmilk évite de nous dire l’essentiel.

La Suisse compte environ 1,5 millions de bovins. Parmi eux, environ 680’000 vaches sont élevées pour leur lait, les autres l’étant pour leur viande ou pour la reproduction de l’espèce. Au niveau mondial, les «Lovelys» se comptent en dizaines de millions. La très grande majorité de ces animaux ont été produits via l’insémination artificielle répétée et forcée des vaches, pour satisfaire avant tout l’appétit financier de la filière viande et lait, et non les besoins de la population, poussée en permanence à la (sur)consommation. Ainsi, on a pu chiffrer qu’en 2015, 818 milliards de kg de lait ont été produits dans le monde, dont 674 milliards de kg de lait de vache (82%) et 110 milliards de kg de lait de bufflonne (13%).

Précisons au passage que la chair de bovin ou le lait maternel des vaches ne sont pas indispensables à notre survie ou à notre santé, contrairement au discours qui nous est asséné depuis des décennies par les représentant·e·s de la filière et tous les milieux qu’ils ont réussi à infiltrer et à influencer.

En une année, une vache suisse comme Lovely produit, durant son processus de digestion, une quantité de méthane estimée à environ 100kg. Le méthane est un gaz à effet de serre 20 à 25 fois plus puissant que le CO2. Il demeure 14 ans captif dans l’atmosphère et contribue fortement au réchauffement climatique dont on sait également que les effets détruisent la biodiversité.

L’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), dans un rapport publié en 2013, estime que l’élevage est actuellement responsable d’environ 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre liés aux activités humaines. C’est au moins autant que tous les transports réunis. Selon d’autres sources, ce chiffre serait même sous-estimé. L’élevage de bovins, par la production de méthane, de protoxyde d’azote et de CO2, y contribue grandement. La confédération reconnait elle-même que 12,7% des gaz à effet de serre suisses sont émis par l’agriculture, dont 55% par les animaux dits de rente, 26% par le travail des sols et les engrais, 19% par l’épandage du fumier. Selon des données d’Agridea en Suisse de novembre 2021, les élevages représenteraient 90% de l’impact carbone total de la production laitière.

Face au réchauffement, l’élevage au pâturage est une voie de garage

Forte de ce constat et progressivement sous pression, la filière de l’élevage tente de sortir de cette crise en empruntant notamment le chemin de l’élevage au pâturage et en affirmant que ce dernier est écologique car il permet de séquestrer le carbone dans le sol ! Mais des chercheur·euse·s du monde entier ont pu expliquer que la fixation du carbone par les sols dans ce cadre n’offre en aucun cas une solution au réchauffement climatique, comme cela est résumé dans cette courte vidéo. Exportée dans les pays émergents et stimulée par de grandes campagnes marketing telles que celles de Swissmilk, la demande pour la viande et le lait ne cesse d’augmenter dans le monde, le nombre d’animaux d’élevage également. La présence massive de bovins dans les champs de Suisse et de la planète continuera donc de nuire à notre environnement et à renforcer le phénomène de réchauffement.

L’élevage contribue grandement au réchauffement climatique

Plutôt que de mettre en place des stratégies pour diminuer de manière conséquente la pratique de l’élevage, et de modifier son modèle de business, la filière viande et lait s’entête à vouloir préserver le plus longtemps possible la taille de son cheptel, voire à l’augmenter. Pour parvenir à ses fins, cette même filière n’hésite pas à mentir et à influencer les politiques agricole et alimentaire de notre pays. C’est le cas depuis des décennies. En Suisse d’ailleurs, cela fait un siècle que le nombre de bovins est quasiment le même.

La revue «Nature Food» vise à fournir aux chercheurs et aux décideurs politiques un large éventail de preuves et de récits d’experts sur l’optimisation et la sécurisation des systèmes alimentaires pour l’avenir. Elle vient de publier un article expliquant que le passage d’un régime alimentaire à base d’aliments d’origine animale à un régime à base d’aliments d’origine végétale dans 54 pays à revenu élevé pourrait réduire de 61% les émissions annuelles de la production agricole destinée à notre alimentation. Par ailleurs, la renaturation de l’espace libéré (une surface plus grande que l’Union européenne) permettrait de séquestrer une quantité de CO2 équivalant à 14 ans d’émissions actuelles globales liées à l’agriculture.

La solution est évidente, mais elle n’intéresse ni Swissmilk, ni les leaders de l’industrie du lait ou l’agrobusiness.

Vous l’aurez compris, on est loin de la belle histoire d’amour sur fond d’écologie et de biodiversité, que Swissmilk s’efforce de nous raconter. Swissmilk nous trompe et nous ment lorsqu’il nous fait croire que l’élevage laitier est bénéfique pour le climat et l’environnement.